Fiche de lecture: l'audiovision de michel chion
L'audiovision de Michel CHION
Le cinéma est très largement considéré comme une expérience visuelle, d'où l'expression « regarder un film ». Ceci s'explique par le mutisme du septième art jusqu'aux années 20. Le public perçut alors l'arrivée du son comme un complément aux images, ne servant qu'à combler un manque sensoriel. De ce point de vue, les évènements sonores ne peuvent qu'être assujettis à l'image, puisqu'ils ne sont que la conséquence de ce qui est vu. Ce postulat suppose que la vision et l'ouïe sont deux phénomènes isolés de l'expérience audiovisuelle.
S'appuyant sur des constats simples de la théorie de la perception, Michel Chion s'oppose à cette idée, et nous décrit dans cet ouvrage la manière avec laquelle la vue et l'ouïe, par leur relation conjuguée (Chion parle de « contrat audiovisuel »), suscitent en nous des interprétations narratives et émotionnelles d'une richesse bien supérieure à leur simple addition. L'audio-vision est donc la terminologie introduite par l'auteur pour qualifier l'état perceptif occasionné par une œuvre audiovisuelle, dans lequel sont en jeu non seulement les sens, mais aussi le conditionnement linguistique et culturel dont nous sommes l'objet. Nous aborderons ici les composantes principales de cette alchimie.
1)La valeur ajoutée
De la même façon que deux éléments chimiques, par réaction, en génèrent un troisième, ou que deux notes de musique superposées créent des éléments harmoniques, la simultanéité d'une image et d'un son, peut créer un événement cinématographique que l'un ou l'autre ne suffirait à décrire. Le terme de valeur ajoutée désigne ce phénomène. Par exemple, l'image d'une chute associée un son de choc violent et de craquement osseux sera synonyme de blessure grave. Accompagnée d'une cymbale, elle revêtira une connotation comique. Les artisans sonores du cinéma, bien au fait de ce phénomène, l'utilisent paradoxalement pour donner l'illusion que la narration