Extrait des misérables (deuxième partie, livre troisième, chapitre viii) de victor hugo
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Cosette était laide. Heureuse, elle eût peut-être été jolie. Nous avons déjà esquissé cette petite figure sombre. Cosette était maigre et blême. Elle avait près de huit ans, on lui en eût donné à peine six. Ses grands yeux enfoncés dans une sorte d’ombre profonde étaient presque éteints à force d’avoir pleuré. Les coins de sa bouche avaient cette courbe de l’angoisse habituelle, qu’on observe chez les condamnés et chez les malades désespérés. Ses mains étaient, comme sa mère l’avait deviné, « perdues d’engelures ». Le feu qui l’éclairait en ce moment faisait saillir les angles de ses os et rendait sa maigreur affreusement visible. Comme elle grelotait toujours, elle avait pris l’habitude de serrer ses deux genoux l’un contre l’autre. Tout son vêtement n’était qu’un haillon qui eût fait pitié l’été et qui faisait horreur l’hiver. Elle n’avait sur elle que de la toile trouée ; pas un chiffon de laine. On voyait sa peau çà et là, et l’on y distinguait partout des taches bleues ou noires qui indiquaient les endroits où la Thénardier l’avait touchée. Ses jambes nues étaient rouges et grêles. Le creux de ses clavicules était à faire pleurer. Toute la personne de cette enfant, son allure, son attitude, le son de sa voix, ses intervalles entre un mot et l’autre, son regard, son silence, son moindre geste, exprimaient et traduisaient une seule idée : la crainte. La crainte était répandue sur elle ; elle en était pour ainsi dire couverte ; la crainte ramenait ses coudes contre ses hanches, retirait ses talons sous ses jupes, lui faisait tenir le moins de place possible, ne lui laissait de souffle que le nécessaire, et était devenue ce qu’on pourrait appeler son habitude de corps, sans variation possible que d’augmenter. Il y avait au fond de sa prunelle un coin étonné où était la