exercice socio
Critique du film « 4 mois, 3 semaines et 2 jours » par Télérama, Cécile Mury, septembre 2007.
Une petite chambre, dans une résidence universitaire. La lumière et les couleurs sont blafardes, le décor, d’une morne symétrie ; deux lits identiques, une table sous la fenêtre. Le lieu est banal, mais cadré pour évoquer la perspective étroite d’une cellule de prison. Deux filles, Gabita et Otilia, y préparent fébrilement un départ. Le récit de ce douloureux « voyage » de quelques heures, sans sortir de la ville, grise et oppressante, a valu une palme d’or méritée au réalisateur roumain Cristian Mungiu, lors du dernier festival de Cannes. Une odyssée minuscule, éprouvante et dangereuse, parmi des milliers d’autres, en 1987, peu avant la chute du régime de Ceausescu. 4 Mois, 3 semaines, 2 jours, ou le décompte exact d’une grossesse non désirée, dans un pays et à une époque où l’avortement est illégal. C’est la brune Gabita, passive et fragile, qui est enceinte. Mais c’est à la blonde Otilia, à son dévouement résolu, à l’extrême tension de ses mouvements que la caméra s’attache surtout. Otilia déniche l’hôtel où se cacher pour avorter. Otilia contacte et ramène « M. Bébé », l’inquiétant faiseur d’anges. Elle ira même jusqu’à partager avec son amie le paiement en nature du sordide marché qu’impose ce dernier, au cours d’un long et glaçant huis clos, scène cruciale du film. Cette histoire intime progresse à la manière d’un thriller : le réalisateur entretient constamment une forme intense de suspense, autant sur l’état psychologique des héroïnes que sur leur sécurité matérielle. Cette tension, pourtant, ne doit rien aux habituels artifices censés doper l’attention. La mise en scène, véritable morceau de bravoure formel, découpe le temps au scalpel.
Chaque scène se déroule en un seul plan-séquence aussi minutieux que dépouillé ; plan fixe