Eugenie grandet
Mais cette lutte ne peut être dramatique, une lutte d’égal à égal, que parce qu’elle ressemble à son père : le processus d’identification se fait alors dans le roman ; elle est «masculine» (page 79) ; elle fait preuve de stratégie (les déjeuners, les mensonges) ; elle transporte des fonds la même nuit que son père (parallélisme que Balzac souligne, page 161 : «Ainsi le père et la fille avaient compté chacun leur (sic) fortune») ; à la fin, elle devient comme lui, maître de la dépense (page 231), prend ses affaires en main, parle comme lui : «Nous verrons cela» (page 259). Le grand lecteur de Balzac que fut Alain l’a fort bien observé : «En prenant l’avarice comme une chose monstrueuse au lieu qu’elle est presque naturelle à la fortune, et naturelle absolument dans la vieillesse, on se prive de reconnaître Grandet dans Eugénie.» (“Avec Balzac”, 1935). Mais là où Grandet est abîmé par sa monomanie, Eugénie est sublimée. Bien sûr, l’illusion perdue va causer son dépérissement : si (pages 80, 82) l’amour «fait respirer», page 238, on lit : «Point de vie au cœur ; l’air lui manque alors.» Elle connaît la douleur, la perte des couleurs, du mouvement (page 269).
Cependant, le dernier portrait est double car l’amour peut se détourner sur Dieu mais pas l’argent : Grandet est athée (page 119 : « les avares… ») ; la fonte des joyaux de Charles en un