Est il sage de penser a la mort ?
La mort est un sujet difficile et, dans notre civilisation actuelle, tabou. D’un point de vue philosophique, ce thème est bien entendu étroitement lié à celui du temps et de la religion. Qu’elle soit religieuse ou philosophique, toute réflexion sur la mort est profondément paradoxale. En effet, si l’homme est le seul animal qui sache qu’il doit mourir, son savoir sur la mort est opaque et ambigu : certes, je saisis empiriquement la mort d’autrui, mais ma propre mort semble m’échapper totalement. « Tu n’es que poussière et retournera en poussière » dit la Bible. La mort, dans sa fatalité, semble m’indiquer que ma vie n’a aucun sens et que mon passage sur terre est inutile. A quoi bon vivre, finalement, puisqu’un obstacle infranchissable mettra fin à mes désirs et à mes projets ? Parce que la question de la mort m’est insupportable, parce qu’elle anéantit tout ce que je peux construire, elle est à la fois angoissante et sacralisée. Ainsi, de simple phénomène biologique, la mort, qui n’est ni un accident, ni une réalité oppressante, devient un phénomène culturel. Nous pouvons saisir à travers elle le passage de la nature à la culture, puisque l’homme est le seul animal qui enterre ses morts.
Qu’y a-t-il de plus triste que de penser à la mort ? Qu’y a-t-il même de plus inefficace ? A quoi peut bien servir de penser que l’on va mourir ? La mort parait être aussi peu l’objet de pensée que de réjouissance. Elle est à la fois triste et inutile. Il est légitime de ne pas vouloir y penser, car dans la mort il n’y a rien à penser, rien à modifier. Et pourtant, les philosophes n’ont cessé de la penser. Car s’il n’y a pas d’intervention possible sur ce qu’elle est, elle est décisive sur sont oppose c’est à dire la vie. Si la mort est inchangeable, au moins peut-elle avoir pour effet de diriger notre conduite et notre pensée. Il est donc inutile d’y penser, mais par elle nous pouvons tout repenser. Curieusement plus nous y pensons et