Erik satie
Epreuve gélatino-argentique, 8,4 x 5,3 cm
Dation 1994 - AM 1994-394(3792)
Photo Bertrand Prévost
© Man Ray Trust/ Adagp, Paris
Le Discours sur rien tient à la fois du retour réflexif propre à la tradition discursive d’Occident et de la distanciation Zen à laquelle John Cage fait régulièrement référence à partir de la fin des années 1940.[10] La distanciation amusée de l’artiste vis-à-vis de la discipline qu’il exerce comme de sa propre production est un aspect constant de son œuvre. L’apparente légèreté qui en découle constitue un autre aspect de son amateurisme revendiqué. Se prendre au sérieux, ce n’est simplement pas sérieux. Un point qui le rapproche du compositeur Erik Satie dont il contribue largement à faire connaître l’œuvre outre-Atlantique, notamment en proposant des adaptations scéniques de ses compositions au travers de la Merce Cunningham Dance Company[11]. Erik Satie, compositeur de la forme brève, du fragment, ennemi des faiseurs de machines, compositeur boudé par les virtuoses est régulièrement cité dans les textes de John Cage. Comme lorsqu’il invoque la formule lapidaire de son « J’emmerde l’Art »[12] pour exprimer toute la considération qu’un artiste digne de ce nom doit avoir de cette notion.
Avant Cage, Satie conçoit l’idée d’une « musique d’ameublement »[13] qui resitue l’art dans son environnement et le met en relation directe avec la vie courante. Avant Cage dans ses causeries, Satie commente ce qu’il produit en permanence, tourne en dérision, met en ballottage, travaille dans une réflexivité permanente que traduit le choix des titres ou des commentaires avec lesquels il annote ses partitions. Pour Satie comme pour Cage, l’enjeu est de mettre en porte-à-faux tout sentimentalisme, car l’expression du sentiment soumet l’œuvre à un « régime d’expressions conventionnelles », et la perception au prima de « l’intention de l’artiste » dont les oreilles sont « murées par les sons de sa propre imagination » : « la