Désir et sagesse
Maîtriser ces désirs excessifs et fous, tel est l'idéal classique. A Calliclès qui soutient impudemment "qu'il ne faut pas gourmander ses désirs, mais les laisser grandir autant qu'il est possible et leur ménager par tous les moyens la satisfaction qu'ils demandent", Socrate objecte ironiquement que c'est impossible: certains désirs sont insatiables, on ne peut pas plus les assouvir que "remplir des tonneaux percés avec un crible troué de même" (Platon, Gorgias).
Cet idéal se retrouve chez les épicuriens, qui définissaient pourtant le bonheur comme plaisir. Mais le plaisir du sage est ataraxie, absence de trouble obtenue par l'apaisement des seuls désirs naturels et nécessaires (c'est-à-dire des besoins), à l'exclusion des jouissances incertaines que procurerait la satisfaction des autres désirs. Il se retrouve également chez les stoïciens: "Ne demande pas que les choses arrivent comme tu le désires, mais désire qu'elles arrivent comme elles arrivent, et tu couleras des jours heureux" (Epictète, Pensées, XIV).
Dans la mesure où sa technique permet de produire des objets en nombre et en variété toujours plus grands, notre civilisation est tentée de renoncer à l'idéal classique de la maîtrise des désirs pour faire l'apologie de la consommation et de l'obtention du bonheur par la satisfaction maximale des désirs. On peut s'interroger sur la valeur de cette éthique dès lors que l'on médite sur la nature du