Désir et amour La phrase de Lacan Leguil et Fajnwaks
Clotilde Leguil interviewe Fabian Fajnwaks
C. L. : Tu voulais me parler d’une phrase sur les hommes et le désir ?
F. F. : C’est le propos de Lacan dans la leçon du 27 mars 1968 du Séminaire « L’acte analytique » : « Quand une femme croit aimer un homme, en fait elle le désire, quand un homme croit désirer une femme, en fait il l’aime ». Lacan renverse les termes de la disjonction que Freud pose par rapport au ravalement de la vie amoureuse. Lacan ne défait pas la disjonction mais fait un tour de passe-passe. Quand les femmes aiment, elles désirent, mais « Quant à l’homme,[…] nous connaissons la musique, […] quand il arrive qu’il la désire, […] il a affaire à cette occasion à sa mère, donc il l’aime. »1 Cela résonne avec les dires de Lacan dans « L’Étourdit », à savoir : l’homme peut-il vraiment être hétérosexuel, c’est-à-dire aimer l’hétéros ? Pour Lacan, un homme doit pouvoir désirer une femme pour pouvoir l’aimer. Ravaler l’objet est une manière d’introduire le désir, là où il y a de l’amour.
Mais il aime l’amour. Le pas supplémentaire de Lacan, c’est de nous faire passer de l’amour de la mère à l’amour de la femme. Cela lui fait dire que quand il croit la désirer, il l’aime.
Mais qu’est-ce qui permet à un homme de passer de l’amour pour la mère à l’amour pour une femme ?
C. L. : Qu’est-ce qui te touche dans cette phrase ?
F. F. : Déjà, je trouve l’inversion que produit Lacan surprenante. Pour une femme, quand elle croit aimer, elle désire. C’est aussi comme cela que je lis l’aphorisme : « L’amour permet à la jouissance de condescendre au désir »2 dans le Séminaire L’angoisse. C’est un aphorisme que j’ai toujours lu côté femme. L’amour lui, permet de décrocher de ce rapport à la mère et de condescendre à désirer le phallus.
C. L. : C’est drôle parce que moi j’ai toujours lu cette phrase comme s’appliquant à l’homme !
F. F. : C’est vrai ? Pourquoi ?
C. L. : Parce que l’amour d’une femme lui permet de sortir d’un rapport solitaire à sa