De la tristesse
Mais on raconte que Psammenite, roi d'Egypte, ayant été vaincu et fait prisonnier par Cambyse, roi de Perse, et voyant passer devant lui sa fille prisonnière habillée en servante, qu'on envoyait puiser de l'eau, alors que tous ses amis se lamentaient et pleuraient à ses côtés, se tint coi, les yeux à terre. Et quand il vit son fils qu'on menait au supplice, il fît encore de même. Mais ayant aperçu un de ses domestiques parmi les captifs, il se frappa la tête et manifesta une douleur extrême.
On pourrait comparer cela avec ce que l'on a pu voir récemment chez un de nos princes. Ayant appris à Trente, où il se trouvait, la mort de son frère aîné, sur qui reposait l'honneur de sa maison, et sitôt après celle d'un autre de ses frères plus jeune, il soutint ces deux épreuves avec une constance exemplaire ; mais quelques jours après, comme un de ses gens venait de mourir, il se laissa emporter par ce dernier malheur, et abandonnant sa résolution, succomba à la douleur et aux regrets. Si bien qu'il y eut des gens pour dire qu'il n'avait été touché que par ce dernier coup du sort : mais c'est qu'en vérité, il était déjà tellement plein de chagrin, qu'à la moindre peine nouvelle, sa résistance s'effondra d'un coup.
Cette histoire, me semble-t-il, pourrait donc ^être comparée à la précédente, si ce n'est qu'elle y joute ceci : Cambyse ayant demandé à Psammenite pourquoi il ne s'était guère ému du sort de sa fille et de son fils, alors qu'il n'avait pu supporter celui