De la norme du goût, david hume
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Ainsi, bien que les principes du goût soient universels, et presque, sinon entièrement, les mêmes chez tous les hommes, cependant bien peu d'hommes sont qualifiés pour donner leur jugement sur une œuvre d'art, ou pour établir leur propre sentiment comme étant la norme de la beauté. Les organes de la sensation interne sont rarement assez parfaits pour permettre à ces principes généraux de se déployer pleinement, et pour produire un sentiment correspondant à ces principes. Ou bien ils sont viciés par quelque désordre et, par là, ils suscitent un sentiment qui peut être jugé erroné. Quand le critique est dépourvu de délicatesse, il juge sans aucune distinction, et n'est affecté que par les qualités les plus grossières et les plus tangibles de l'objet - les traits fins passent inaperçus et échappent à sa considération. Là où la pratique ne lui vient pas en aide, son verdict est accompagné de confusion et d'hésitation. Là où il n'a eu recours à aucune comparaison, les beautés les plus frivoles, qui sont telles qu'elles méritent plutôt le nom de défauts, sont l'objet de son admiration. Là où l'influence du préjugé l'emporte sur lui, tous ses sentiments naturels sont pervertis. Là où le bon sens fait défaut, il n'est pas qualifié pour discerner les beautés du dessein et du raisonnement qui sont le plus élevées et le plus parfaites. Le commun des hommes porte un jugement sous l'influence de certaines de ces imperfections ou d'autres encore. De là vient qu'on observe qu'un juge véritable en matière de beaux arts est un caractère si rare, même durant les époques les plus policées: un sens fort, uni à un sentiment délicat, amélioré par la pratique, rendu parfait par la comparaison, et clarifié de tout préjugé, peut seul conférer à un critique ce caractère estimable. Et les verdicts réunis de tels hommes, où qu'on puisse les trouver, constituent la véritable norme du goût et de la