Dans les entreprises trang res le choc des cultures
Prière rituelle, guide du sourire : des multinationales imposent des pratiques parfois perçues comme loufoques (le Monde du 2 décembre 2014)
Les bras le long du corps, le dos droit, les pieds alignés. A chaque début de service, les employés d’Uniqlo se placent les uns en face des autres lors du « meeting » : après l’annonce du chiffre d’affaires de la veille et de l’objectif de la journée, l’un d’eux se porte volontaire pour déclamer six phrases. Les autres répètent en chœur : « Bonjour madame, bonjour monsieur », « N’hésitez pas à faire appel à moi en cas de besoin », « Souhaitez-vous un panier ? », et ainsi de suite, jusqu’à la phrase finale, en japonais, « Yoroshiku onegaishimasu », qui pourrait se traduire par « Je m’en remets à vous ». Le groupe japonais, qui s’est mis au défi d’insuffler une pratique managériale commune à toutes les filiales dans le monde, se heurte au choc des cultures.
Prune Pont-Benoît, qui a travaillé au Uniqlo Opéra pendant un an, ne s’est jamais portée volontaire : cette prière rituelle lui semble « un peu sectaire ». Dès sa journée de formation, la jeune fille comprend qu’elle s’est engagée dans un univers particulier : elle regarde, médusée, une vidéo où les salariés au Japon balaient la rue devant leur magasin, dans la joie et la bonne humeur.
Elle reçoit un New Starter Handbook, à connaître sur le bout des doigts. On y apprend comment sourire – « Relevez les sourcils, ouvrez grands les yeux, rentrez légèrement le menton, serrez les molaires » –, mais aussi à utiliser des codes pour communiquer entre membres du personnel pendant le service. Ainsi, plutôt que de signaler qu’on part aux toilettes, on peut discrètement déclarer « je suis en situation n° 10 ».
Si ces pratiques loufoques la font sourire, elle apprécie moins le management, très rigide : l’emploi du temps n’est dévoilé que trois semaines à l’avance, or les employés travaillent de 7 heures à 15 heures et de 13 heures à