Le Procès est le seul film, avec Citizen Kane, que Welles ait pu maîtriser de sa conception au montage final. C’est également, selon lui, son film le plus personnel, celui qui trouve le plus de résonance avec sa vie intime. « Je voulais peindre un cauchemar très actuel, un film sur la police, la bureaucratie, la puissance totalitaire de l’Appareil, l’oppression de l’individu dans la société moderne. » (1) Cinq ans avant Le Procès, il déclare « s’intéresser plus aux abus de la police et de l’Etat qu’à ceux de l’argent, parce qu’aujourd’hui l’Etat est plus puissant que l’argent. » (2) Il trouve dans le roman de Kafka les échos les plus proches de ces angoisses sociales et politiques, mais également la retranscription la plus précise d’un thème qui l’obsède, celui de la culpabilité. De Charles Foster Kane aux personnages de Shakespeare (Macbeth, Othello), en passant par Michael O'Hara accusé d’un crime qu’il n’a pas commis (La Dame de Shanghai) et qui déclare qu’« Il est difficile d’être un homme libre, même quand on est innocent. Mon innocence éclate, mais, innocent ou coupable, cela ne veut rien dire », les personnages et les films de Welles sont empreints de cette notion de culpabilité. « S’il m’a été possible de faire ce film, c’est parce que j’ai fait des rêves récurrents de culpabilité toute ma vie : je suis en prison, je ne sais pas pourquoi. C’est quelque chose qui me touche de près. » (3) Deux producteurs, les frères Salkind, avaient une envie absolue de faire tourner Welles et lui proposent de choisir un titre parmi une centaine de romans à adapter (condition sine qua non de leur engagement : que le scénario ne soit pas original). Quand le cinéaste voit que Le Procès fait partie de cette liste, et que les Salkind semblent sincères dans leur désir de lui donner carte blanche, il trouve le matériau idéal pour poursuivre son exploration de la culpabilité et de réaliser enfin l’œuvre critique dont il rêve. Les producteurs tiennent leur promesse, et laissent