Bournisien
« L’ai-je représenté libertin, gourmand, ivrogne ? Je n’ai pas dit un mot de cela ». (1)
Libertin, il ne l’est, en effet, certainement pas, vu l’incrédulité, puis l’indignation avec laquelle il accueille les propos de M. Homais :
« J’en ai connu, des prêtres qui s’habillaient en bourgeois pour aller voir gigoter des danseuses.
— Allons donc ! fit le curé.
— (…) Parbleu ! ils en font bien d’autres ! exclama l’apothicaire.
— Monsieur !… reprit l’ecclésiastique avec des yeux si farouches, que le pharmacien en fut intimidé ». (2)
Qu’il fût gourmand, rien ne permettrait de l’affirmer ; quant à ivrogne, son refus du petit verre d’alcool que lui offre Madame Lefrançois nous montre qu’il ne l’est pas :
« Voulez-vous prendre quelque chose ? Un doigt de cassis, un verre de vin ?
L’ecclésiastique refusa fort civilement ». (3)
Flaubert, d’ailleurs, souligne dans sa correspondance que Bournisien « est très chaste et (qu’) il pratique tous ses devoirs » (4). C’est donc un honnête homme, un bon curé qui s’indigne lorsque, comme M. Bovary père, on se moque de la religion en parodiant le sacrement du baptême, qui accomplit sa tâche avec conscience, faisant réciter le catéchisme aux enfants, visitant les malades : il vient voir Hippolyte après son opération et, lors de la maladie nerveuse d’Emma, il se dérange tous les après-midi. Enfin, on peut conclure avec l’avocat de la défense :
« Ce n’est pas un ecclésiastique éminent, c’est un ecclésiastique ordinaire, un curé de campagne ». (5)
Et c’est en fait la plus grande accusation d’anticléricalisme que l’on puisse porter contre Flaubert. En effet, eût-il peint son curé ivrogne, débauché, que l’on eût pu croire à une exception ; au contraire, ce « brave homme », (6) ce curé si ordinaire devient le représentant de tous les curés. Or, le portrait qu’en trace Flaubert est, sous ses dehors