BETE HUMAINE
. Dans le couple que Jacques forme avec la Lison, s’établit une parfaite harmonie, fondée, de la part du mécanicien, sur un véritable amour pour une machine différente des autres, douée d’une "âme", d’une "personnalitéxii", qui lui communique l’ivresse de la vitesse. Cependant, la féminité de la Lison n’en est pas moins trop présente pour ne pas devenir inquiétante : sa lascivité, son besoin de
"graissage" "à l’exemple des belles femmesxiii", le fait même qu’elle soit soumise au vieillissement témoignent des limites de l’anthropomorphisme : à force de trop jouer à la femme, on le devient... et la dissension s’installe ! La locomotive ne tarde pas à aprendre les traits de l’épouse revêche et renfrognée qui sévit dans ces romans bourgeois que se sont plu inlassablement à écrire les naturalistes... les locomotives célébrées par des Esseintes ne jouent que le rôle de comparses dans le roman et prennent place parmi les divers bricolages anti- ou pseudophysiques auxquels se livre le héros, la Lison cède la place à la femme, avant de figurer l’instinct de mort et d’illustrer un progrès plus apocalyptique qu’optimiste ; surtout, seul Zola fait de la machine un vecteur vers la nature, le moyen de supprimer les frontières entre le moi et le monde : l’absorption du moi par le cosmos, connue par le conducteur de la Lison, quoique de manière éphémère, est totalement absente du roman huysmansien dont le héros se contente du confort de la contemplation. La Bête humaine offre donc ce paradoxe que l’objet artificiel permet de pénétrer la