Anneau des fiançailles
Georges Delfosse.
Il ne s'est jamais consolé de cette escapade. À la vérité c'était jouer de malheur, et son scalpel s'était fourvoyé d'une façon trop lugubre... ou trop plaisante. Il aurait pu lui arriver pis cependant. Le mariage pouvait manquer, et un mariage manqué, c'est une catastrophe, si la dot est ronde et le fiancé, carré.
Mon intervention l'a sauvé. En ce temps-là l'intervention était chose permise. On y mettait de la discrétion, de la bonne foi, et d'ordinaire, tout finissait bien. C'était la franchise même que ce garçon; il était franc comme l'épée du roi. Ne me demandez pas de quel roi.
J'oubliais de vous le nommer il s'appelait Noé Bergeron. Pourquoi Noé? Probablement parce que son père avait lu la bible et aimait les antiquités. Peut-être aussi parce qu'il ne boudait pas son verre, et qu'il s'était endormi plus d'une fois dans les vignes du Seigneur.
Donc, il s'appelait Noé Bergeron. Qu'est-il devenu? Il exerce la médecine avec succès, ai-je appris, dans une grande paroisse où les gens vivent très vieux et meurent pour se reposer. Il n'est plus jeune et il doit être gris, car nous avons le même âge, sinon les mêmes goûts. Il étudiait la médecine pendant que je faisais semblant d'étudier le droit. Je lui donnais des avis et il me donnait des pilules. Je calmais ses inquiétudes et il calmait mes souffrances. Nous sommes quittes.
J'étais à ses fiançailles. Il y avait beaucoup d'invités, tous de la haute: l'aristocratie des lettres et l'aristocratie des écus, des diplômés et des cossus. Les parents de la campagne regardaient de loin. Des musiciens en habits, cravatés de blanc, rangés dans un coin du vaste salon, soufflaient de leurs cuivres une poussée de notes brillantes qui nous enivraient. Et puis la danse allait, allait, comme au temps où elle était une chose agréable au Seigneur.
Amaryllis voltigeait comme une phalène. On eût dit le même bourdonnement d'ailes. Vous savez, la phalène, ce beau papillon de nuit qui