Analyse du texte central :

Nietzsche, Naissance de la philosophie à l’époque de la tragédie grecque, 1873
CHAPITRE2
Ce que le texte defend
Ce que le texte défend
Ce texte de Nietzsche, extrait de Naissance de la philosophie à l’époque de la tragédie grecque, inverse radicalement la perspective précédente.Non seulement la vie des penseurs est difficile, nous dit-il, comme celle de tout homme et de tout être vivant, mais elle est même la plus difficile d’entre toutes. Cette affirmation se justifie par le fait qu’elle peut être comparée à celle des grands explorateurs. Christophe Colomb ou Vasco de
Gama, allaient découvrir des terres nouvelles, au prix de mille périls.Le penseur se lance, lui, à la conquête de domaines intellectuels encore inexplorés, et tente d’investir des champs nouveaux de réflexion. Les terræ incognitæ (« les terres inconnues ») que la pensée tente d’annexer à la raison, sont investies dès que le penseur s’aventure au-delà des paysages familiers de la connaissance commune. Comme chez le navigateur en mal d’exploration, il y a une part d’errance ou d’errements dans ses spéculations. Pour cela, il se doit
« d’abandonner le sol » des préjugés et des certitudes admises, en remettant radicalement en question la valeur de ce qui nous semble « bien connu », comme sut le faire précisément Descartes, que Hegel qualifia en son temps de « héros de la pensée ». Cet abandon est présenté comme une « contrainte », mais celle-ci est d’ordre rationnel, et non pas juridique. En effet, l’instinct qui pousse le penseur à la connaissance, ne se satisfait pas d’une connaissance imparfaite et partielle, comme celle que nous offre à chaque époque le champ du savoir, en particulier celui de la science. Cet instinct heurte notre besoin de certitude, nous dit Nietzsche, qui s’appuie ici sur une conception évolutionniste et darwinienne de la fonction de la connaissance humaine. C’est pourquoi le penseur est toujours en
équilibre,