Algerie Daum
Par notre envoyé spécial Pierre Daum *
* Journaliste.
Originaire de Tiffelfel, au cœur du massif des Aurès, Rabah vient d’achever un Master 2 de mathématiques à l’université de Batna. Il a 23 ans, et, comme 99 % des jeunes de son âge que nous avons rencontrés et interrogés sur la sexualité, il parle de religion dès les cinq premières minutes d’entretien. Ce qui le préoccupe tout particulièrement, c’est le calcul entre hassanate (les bons points récoltés au cours de la vie grâce aux bonnes actions effectuées) et syiate (les mauvais points). De la différence entre les deux chiffres dépendra son accès au paradis. « Je prie à la mosquée cinq fois par jour. Parce qu’à la mosquée, ça te rapporte vingt-sept fois plus de hassanate qu’à la maison. »
A son âge, Rabah a déjà eu trois copines. La dernière s’appelait Dhikra. « Je suis sortie avec elle un an et demi. Elle était très jolie, et son père était riche. Mais je ne l’ai jamais embrassée sur la bouche ! Que sur la main ou sur la joue. Ça fait un an qu’on n’est plus ensemble. J’ai appris qu’elle avait un nouveau copain, et qu’elle l’avait embrassé sur la bouche. Pour moi, maintenant, c’est une pute ! » Coucher avec une femme avant de se marier est pour lui « complètement impensable », car criminel aux yeux de Dieu. Par contre, il se masturbe « tous les jours ». « Je sais que c’est haram [interdit], mais c’est la pression. Et au moins, avec la masturbation, tu reçois moins de syiates que si tu te fais caresser par une fille. »
Bien sûr, rien ne nous assure que Rabah dit toute la vérité. Cependant, non seulement parler à un journaliste étranger permet de se confier sans risquer le jugement de ses concitoyens (tous les prénoms ont été changés), mais le témoignage du jeune Chaoui (Berbère des Aurès) correspond en tout point à la cinquantaine de témoignages recueillis à travers tout le pays. Avec certes quelques variantes. Noureddine, 26 ans, étudiant en 5e année à Ouargla, vit une