Écrivain ou réalisateur de cinéma? alexandre sokourov
Cette interview date du 28 mai 2001. Alexandre Sokurov était venu, à mon invitation, parler à l'Université de Genève et au Centre Animation Cinéma (CAC) de Genève. Il passa trois jours chez moi, dans mon village haut-savoyard. Le temps était splendide, il avait l'air heureux. Pour l'interviewer je lui proposai une balade au bord du Léman. Nous allâmes au charmant bourg médiéval d'Hermance, entre bord du lac et côteaux plantés de vigne. L'Auberge de la Croix Fédérale était fermée ce jour-là. Nous nous installâmes à une table de la terrasse. L'enregistrement est parfois inaudible parce qu'une voiture passe. Il est continuellement accompagné par un strident pépiement des oiseaux. Je l'ai écouté, déchiffré et traduit du russe en un seul temps. Aussi la fidélité du mot à mot n'est pas absolue. Mais je réponds de la fidélité d'ensemble.
Georges NIVAT
- Pour qui faites-vous des films ?
- Pour moi-même bien sûr. Si je les faisais pour quelqu'un d'autre, ils ne seraient pas si variés, ni si solidaires d'un même système. Si tu fais pour un autre, tu es toujours subordonné d'une façon ou de l'autre. Si tu le fais pour soi, et parce que ça ne peut pas être autrement, alors tout est différent.
- Comment vos cycles naissent-ils et meurent-ils?
- Ils ne meurent jamais. Ils se poursuivent. Ils sont comme des signes, un canon si l'on peut dire. Parce qu'il est très important pour moi de me limiter, de me mettre dans le cadre d'un canon. Je ne dirais pas que c'est une violence faite à ma liberté, ou à mes possibilités, parce que le canon, ou ce qui est canoniquement antérieur a atteint de telles proportions d'expressivité, est devenu une telle tour verticale que c'est un exemple trop contagieux. L'essentiel pour moi est donc de trouver un moyen d'auto-limitation. C'est la raison pour laquelle apparaissent les Elégies et le cycle Mère et fils, Père et fils, peut-être Sœur et frère. C'est la raison du cycle historique Moloch,