S'intégrer
Nous habitions à trente, dans un petit pavillon de quatre pièces. Mon père est resté deux ans au chômage. Quand il a finalement trouvé un travail, il a fallu s’habituer à sa nouvelle condition ouvrière ; mes parents ont été déclassés socialement. […] A Sartrouville, où l’on s’est installé, les habitants ne connaissaient même pas leurs voisins d’en face. Mes parents parlaient fort, avec l’accent pied-noir, ils voulaient se lier d’amitié avec tout le monde, comme en Algérie. Et je me rendais compte que rien n’était prévu pour nous accueillir. Il m’a fallu apprendre les codes, parler doucement, dissimuler mes origines, perdre mon accent : cela s’appelle l’intégration.[…]
J’étais lycéen à St-Germain en Laye, en classe de première…[…]
Le premier ébranlement politique, qui a provoqué un choc dans la jeunesse, a été le Vietnam ! Dans la presse officielle, on ne pouvait rien apprendre. Sartrouville était une municipalité communiste. Alors, on allait chercher de l’information au sein des partis politiques, sans savoir ce qui relevait de la propagande ou de la vérité. L’essentiel était d’apparaître « différent ».
Je ne parlais de rien avec mes parents. C’était comme s’ils vivaient sur une autre planète. Pour moi, ils étaient très vieux et ne pouvaient absolument pas me comprendre. La mode, la musique, la littérature, tout cela leur était étranger… Nous habitions ensemble, mais dans deux mondes