L’œuvre proustienne
Elle eût aimé que j’eusse dans ma chambre des photographies des monuments ou des paysages les plus beaux. Mais au moment d’en faire l’emplette, et bien que la chose représentée eût une valeur esthétique, elle trouvait que la vulgarité, l’utilité reprenaient trop vite leur place dans le mode mécanique de représentation, la photographie. Elle essayait de ruser et sinon d’éliminer entièrement la banalité commerciale, du moins de la réduire, d’y substituer pour la plus grande partie de l’art encore, d’y introduire comme plusieurs « épaisseurs » d’art : au lieu de photographies de la Cathédrale de Chartres, des Grandes Eaux de Saint-Cloud, du Vésuve, elle se renseignait auprès de Swann si quelque grand peintre ne les avait pas représentés, et préférait me donner des photographies de la Cathédrale de Chartres par Corot, des Grandes Eaux de Saint-Cloud par Hubert Robert, du Vésuve par Turner, ce qui faisait un degré d’art de plus. (CS, p. 39-40)
On pourrait alors être tenté d’associer Proust à certaines idées reçues. On se demanderait si, pour lui, la photographie est un art, ou, au contraire, une simple technique de représentation picturale du réel. Heureusement, ce n’est pas ainsi qu’il faut réfléchir au rôle de la photographie dans la matrice proustienne. Dans le passage qui vient d’être souligné, n’oublions pas qu’il s’agit seulement de la position de la grand-mère, et non de celle du narrateur ou d’un autre personnage artiste du roman. Ce n’est que le début de cette aventure photographique qu’est la Recherche. Le roman est médiatisé par l’acte photographique.
Dans ce qui nous intéresse ici, c’est à travers la photographie de la duchesse de Guermantes que le