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Ce conte s’en ira tout simple, car je laisse aux médecins d’en discourir. Je vis avant hier un enfant que deux hommes et une nourrisse, qui se disaient être le père, l’oncle et la tante, conduisaient pour tirer quelque sou de le montrer à cause de son étrangeté. Il était en tout le reste d’une forme commune, et se soutenait sur ses pieds, marchait et gazouillait à peu près comme les autres de même âge; il n’avait encore voulu prendre autre nourriture que du tétin de sa nourrisse ; et ce qu’on essaya en ma présence de lui mettre en la bouche, il le mâchait un peu, et le rendait sans avaler ; ses cris semblaient bien avoir quelque chose de particulier ; il était âgé de quatorze mois justement. Au dessous de ses tétins, il était pris et collé à un autre enfant sans tête, et qui avait le conduit du dos étoupé, le reste entier ; car il avait bien l’un bras plus court, mais il lui avait été rompu par accident à leur naissance ; ils étaient joints face à face, et comme si un plus petit enfant en voulait accoler un plus grandelet. La jointure et l’espace par où ils se tenaient, n’était que de quatre doigts ou environ, en manière que si vous retroussiez cet enfant imparfait, vous voyiez au dessous le nombril de l’autre; ainsi la couture se faisait entre les tétins et son nombril. Le nombril de l’imparfait ne se pouvait voir, mais oui bien tout le reste de son ventre. Voila comme ce qui n’était pas attaché, comme bras, fessier, cuisses et jambes de cet imparfait, demeuraient pendants et branlants sur l’autre, et lui pouvait aller sa longueur jusques à mi -jambe. La nourrice nous ajoutait qu’il urinait par tous les deux endroits ; aussi étaient les membres de cet autre nourris et vivants, et en même point que les siens, sauf qu’ils étaient plus petits et menus.
Ce double corps et ces membres divers, se rapportant à une seule tête, pourraient bien fournir de favorable pronostic au Roi de maintenir sous l’union