l'équipage de Joseph Kessel
matin naissant. Autour d'eux l'air palpitait. Le ciel avait cette tendresse de fleur qu'il a seulement
aux minutes où le soleil le touche de ses plus jeunes rayons. Les mécaniciens chantaient, les hélices
bourdonnaient comme ivre de leur puissance.
Herbillon oublia tout pour goûter le bonheur d'être sain, d'être fort et de s'élever dans l'azur en
même temps que l'aurore. L'appareil du capitaine pris le premier de la hauteur et Jean vit monter
vers lui, comme des fusées brunes, les camarades. Puis le groupe, formé en triangle, se dirigea vers
les lignes. L'ivresse du vol était encore neuve pour Herbillon. La respiration géante du moteur, le
tourbillon de l'hélice, le vent furieux, tout cela l'étourdissait d'une vaste et brutale symphonie dont il
commençait à pénétrer les voix diverses.
Une indicible fierté gonflait sa poitrine de planer ainsi dans la solitude du ciel, de voir le bloc rouge
du soleil bondir à l'horizon et d'aller en chasseur vers les lignes ennemies.
Pour achever son bonheur il aurait fallu ce combat que cherchait le capitaine, le crépitement des
mitrailleuses, et, il en avait la certitude, l'orgueil de la victoire. Anxieusement, il scruta l'espace dans
l'espoir d'y voir surgir des ailes aux croix noires.
Ce fut en vain. Ils croisaient depuis longtemps et le ciel d'une pureté de pierre précieuse était
toujours vide. Sans doute cette reconnaissance se terminerait aussi paisiblement, aussi platement
que ses autres missions.
Pour oublier son dépit il s'absorba dans la contemplation du paysage, essayant de démêler dans la
lacis des boyaux, où les rayons obliques du soleil montant commençaient à verser des coulées
mauves, ceux que le capitaine lui avait dit de retenir pour de futurs réglages. Mais ses yeux encore
mal exercés n'arrivaient point à établir entre les lignes adverses une frontière fixe.
Il y travaillait avec