l'evolution du monde
C’est d’un vilain et de sa femmeque je veux vous raconter l’histoire.Pour la fête de Notre-Dame, ilsallaient prier à l’église. Avantde commencer l’office, le curévint faire son sermon ; il ditqu’il était bon de donnerde tout son cœur au Bon Dieu et que celui-ci vous rendait le double.« Entends-tu, belle sœur, ce qu’a dit leprêtre ? » fait le vilain à sa femme.« Qui pour Dieu donne de bon cœurrecevra de Dieu deux fois plus.Nous ne pourrions pas mieux employernotre vache, si bon te semble,que de la donner au curé.Elle a d’ailleurs si peu de lait.— Oui, sire, je veux bien qu’il l’ait,dit-elle, de cette façon. »Ils regagnent donc leur maison,et sans en dire davantage.
Le vilain va dans son étable ;prenant la vache par la corde,il la présente à son curé.Le prêtre était fin et madré :« Beau sire, dit l’autre, mains jointes,pour Dieu je vous donne Blérain. »Il lui a mis la corde au poing,et jure qu’elle n’est plus sienne.« Ami, tu viens d’agir en sage,répond le curé dom Constantqui toujours est d’humeur à prendre;Retourne en paix, tu as bien fait tondevoir: si tous mes paroissiens étaientaussi avisés que toi, j’aurais du bétailen abondance. » Le vilain prend congédu prêtre qui commande aussitôtqu’on fasse, pour l’accoutumer, lierBlérain avec Brunain, sa propre vache.Le curé les mène en son clos,trouve sa vache, ce me semble,les laisse attachées l’une à l’autre.La vache du prêtre se baisse,car elle voulait pâturer.Mais Blérain ne veut l’endureret tire la corde si fortqu’elle entraîne l’autre dehorset la mène tant par maison,par chènevières et par présqu’elle revient enfin chez elle,avec la vache du curéqu’elle avait bien de la peine à mener.Le vilain regarde, la voit ;il en a grande joie au cœur.« Ah ! dit-il alors, chère sœur,il est vrai que Dieu donne au double.Blérain revient avec une autre:c’est une belle vache brune.Nous en avons donc deux pour une.Notre étable sera petite ! »Par cet exemple, ce fabliau nous