L'être humain selon nietzsche et marx
Lettre de démission de Raoul Vaneigem[->0]
Samedi, 14 novembre 1970
Camarades,
La tendance[->1] qui s’est constituée, le 11 novembre 1970, dans la section française a le mérite d’être la dernière abstraction à pouvoir se formuler dans, pour et au nom de l’I.S. S’il est vrai que le groupe n’a jamais été que la somme des capacités et des faiblesses, très inégalement réparties, de ses membres, il n’y a plus, dans le moment qui nous préoccupe, d’apparente communauté, pas même de tendance, qui fasse oublier que chacun est seul à répondre de soi-même. Comment ce qu’il y avait de passionnant dans la conscience d’un projet commun a-t-il pu se transformer en un malaise d’être ensemble ? C’est ce que les historiens établiront. Je ne me sens ni la vocation d’historien, ni celle de penseur, à la retraite ou non, pour devenir ancien combattant. Outre que l’analyse aisée du peu de pénétration de la théorie situationniste en milieu ouvrier et du peu de pénétration ouvrière en milieu situationniste ne serait dans l’instant qu’un prétexte à la fausse bonne conscience de notre échec.
Mais sans doute, pour être enfin concret — car il n’y a pas de réponse concrète hors de la preuve que chacun devra donner de ce qu’il est réellement —, dois-je parler plutôt de mon échec. Pour ce qui est du passé, j’ai toujours prêté, très à la légère, à la plupart des camarades ou ex-camarades de l’I.S. au moins autant de capacités et d’honnêteté que je m’en reconnaissais, m’illusionnant ainsi à la fois sur les autres et sur moi. Je mesure assez ce qu’une telle attitude a pu, contradictoirement, susciter, dans l’Internationale, de tactiques manœuvrières plus ou moins habiles et toujours odieuses ; et créer dans le même temps des conditions d’idéologie. Ceci dit, l’histoire individuelle des camarades, la mienne et l’histoire collective feront la part de mes erreurs et de mes options correctes. (Je précise néanmoins que je crache à la gueule de quiconque, présent ou à venir,