L'énonciation du grand meaulnes
* son évolution
Le roman, au fil de ses trois parties, décline l’évolution de François Seurel, le narrateur, jusqu’à ce qu’il se confonde, d’abord avec Meaulnes, puis avec son propre personnage, enfin avec son créateur.
Au début du roman, le narrateur, dont on peut évaluer l’âge à environ trente ans , se dépeint comme un enfant plutôt solitaire, avec des " plaisirs d’enfant paisible " (p. 20), telle la lecture. L’acteur, Jean-Baptiste Maunier, incarne bien, par son physique et par ses regards, ce fils d’instituteur protégé et sage.
Le caractère de François contraste fortement avec celui de Meaulnes, qui a grandi sans père, avec une mère qui l’idolâtre et le poids de la mort de son frère cadet. Le début du roman met l’accent sur cet écart entre eux, d’autant plus que le romancier lui prête un handicap, sa " coxalgie ", que Jean-Daniel Verhaeghe décide, lui, de supprimer en le faisant courir dès les premières images, brisant ainsi une première métamorphose : " L’arrivée de Meaulnes, qui coïncida avec ma guérison, fut le commencement d’une vie nouvelle. " (p. 20)
Cependant son évolution reste perceptible dans le film. Comme dans le roman, le héros, avec Meaulnes, son
" grand frère " (p. 70), découvre une liberté à la fois effrayante et fascinante : il s’écarte du cercle familial, entre de plain-pied dans l’adolescence.
Mais, dans le roman, le narrateur, avec la distanciation propre à l’autobiographie fictive, commente la part d’enfance qui subsiste en lui : " – J’étais si jeune encore ! – " (p. 124) Et si, dans la deuxième partie du roman, les plaisirs semblent peu à peu perdre de leur intensité dans le récit, faut-il imputer cette désillusion à la progression naturelle du héros vers l’âge adulte, ou à l’écart croissant entre la naïveté de l’adolescent et ce narrateur plus âgé qui se juge et commente : " Amers souvenirs ! Vains espoirs écrasés ! " ?
Ce recul pris face à soi-même s’accentue au cours de la deuxième partie du