La poésie peut donc apporter dans le monde actuel une sorte d'équilibre, de mesure, en développant chez les gens le goût et la recherche de la beauté tout à fait accessible dans un poème. Elle peut donc avoir, en somme, un rôle de complémentarité en favorisant la redécouverte de ces valeurs. Je pense que la poésie contient aussi un intérêt proprement dit dans le sens où elle pose parfois des réflexions d'une grande gravité. Elle peut, comme tout autre genre littéraire tel que le roman et le théâtre, engendrer une prise de conscience de certains thèmes importants ou encore une inquiétude du lecteur. Baudelaire voulait dans Les Fleurs du Mal montrer la tragédie de l'homme double, un homme soumis à deux postulations simultanées, l'une vers le Bien et l'autre vers le Mal. Le point de départ de sa réflexion était donc la condition humaine, le déchirement de l'homme, cette lutte perpétuelle entre ses aspirations vers l'Idéal et ses tentations ou ses rechutes vers le Mal. L'oeuvre de Baudelaire est une réflexion sur le tragique de l'homme ressenti par le poète avec souffrance et angoisse et qui, pour ma part, m'émeut autant que la réflexion d'un romancier ou d'un dramaturge. La poésie peut donc tout à fait revêtir un rôle moral et philosophique en réfléchissant sur la condition et la destinée humaines, sur le sens de la vie et sur les problèmes éternels en général. Certains poètes affirment l'intérêt de la poésie lorsqu'ils lui confient une mission civilisatrice ou humanitaire, lorsqu'ils considèrent, comme Victor Hugo, Alfred de Vigny, le poète comme un mage, un prophète ou encore un visionnaire, un guide qui conduit les hommes vers la Vérité, qui éclaire leur route en affirmant leur foi en l'humanité et leur confiance optimiste en l'avenir de l'homme. Ainsi, Victor Hugo dans La Légende des siècles évoque très bien cette conception du rôle du poète en chantant avec cette foi et cet optimisme l'épopée de l'humanité et en proclamant l'avenir et la grandeur de