L'opinion publique de bourdieu
Pierre Bourdieu, in Questions de sociologie
Trois postulats que les sondages engagent de façon implicite :
- Toute enquête d’opinion suppose que tout le monde peut avoir une opinion
- Toutes les opinions se valent
- Le fait de poser la même question à tout le monde suppose qu’il y a un consensus sur les problèmes, c’est-à-dire un accord sur les questions qui méritent d’être posées
Cela implique toute une série de « distorsions » que l’on observe même si les sondages sont faits en toute rigueur.
On fait des reproches techniques aux sondages :
- Remise en question de la représentativité des échantillons. Pour Bourdieu, reproche peu fondé vu l’état actuel des moyens utilisés.
- Reproche d’utiliser des questions biaisées. Pour Bourdieu, reproche déjà plus fondé, car toute formulation d’une question peut déjà induire une réponse. Il remarque que des fois, on omet dans les questions ou dans les réponses proposées une des réponses possibles.
- Les instituts de sondages posent des « problématiques subordonnées à une demande d’un type particulier » / « Les problématiques qui s’imposent à ce type d’organisme sont profondément liées à la conjoncture et dominées par un certain type de demande sociale » / « La grande majorité des questions posées [sont] directement liées aux préoccupations politiques du « personnel politique » » / « Les problématiques qui sont proposés par les sondages d’opinion sont subordonnées à des intérêts politiques, et cela commande très fortement à la fois la signification des réponses et la signification qui est donnée à la publication des résultats. Le sondage d’opinion est, dans l’état actuel, un instrument d’action politique ; sa fonction la plus importante consiste peut-être à imposer l’illusion qu’il existe une opinion publique comme sommation purement additive d’opinions individuelles ; à imposer l’idée qu’il existe quelque chose qui serait comme la moyenne des opinions ou l’opinion moyenne ».