L'hypotypose
Je vous aime, et j'ose, enfin, vous le dire. Ils étaient debout maintenant dans la mare salée qui les mouillait jusqu'aux mollets, et les mains ruisselantes appuyées sur leurs filets, ils se regardaient au fond des yeux. Elle reprit, d'un ton plaisant et contrarié : — Que vous êtes malavisé de me parler de ça en ce moment. Ne pouviez-vous attendre un autre jour et ne pas me gâter ma pêche ? Il murmura : — Pardon, mais je ne pouvais plus me taire. Je vous aime depuis longtemps. Aujourd'hui vous m'avez grisé à me faire perdre la raison. Alors, tout à coup, elle sembla en prendre son parti, se résigner à parler d'affaires et à renoncer aux plaisirs. — Asseyons-nous sur ce rocher, dit-elle, nous pourrons causer tranquillement. Ils grimpèrent sur le roc un peu haut, et lorsqu'ils y furent installés côte à côte, les pieds pendants, en plein soleil, elle reprit : — Mon cher ami, vous n'êtes plus un enfant et je ne suis pas une jeune fille. Nous savons fort bien l'un et l'autre de quoi il s'agit, et nous pouvons peser toutes les conséquences de nos actes. Si vous vous décidez aujourd'hui à me déclarer votre amour, je suppose naturellement que vous désirez m'épouser. Il ne s'attendait guère à cet exposé net de la situation, et il répondit niaisement : — Mais oui. — En avez-vous parlé à votre père et à votre mère ? — Non, je voulais savoir si vous m'accepteriez. Elle lui tendit sa main encore mouillée, et comme il y mettait la sienne avec élan : — Moi, je veux bien, dit-elle. Je vous crois bon et loyal. Mais n'oubliez point, que je ne voudrais pas déplaire à vos parents. — Oh ! pensez-vous que ma mère n'a rien prévu et qu'elle vous aimerait comme elle vous aime si elle ne désirait pas un mariage entre nous ? — C'est vrai, je suis un peu troublée. Ils se turent. Et il s'étonnait, lui, au contraire, qu'elle fût si peu troublée, si raisonnable. Il s'attendait à des gentillesses galantes, à des refus qui disent oui,