L'huitre et les plaideurs
Une huître, que le flot y venait d'apporter:
Ils l'avalent des yeux, du doigt ils se la montrent;
A l'égard de la dent il fallut contester.
L'un se baissait déjà pour amasser la proie;
L'autre le pousse et dit:" Il est bon de savoir
Qui de nous en aura la joie.
Celui qui le premier a pu l'apercevoir
En sera le gobeur; l'autre le verra faire.
- Si par là l'on juge l'affaire,
Reprit son compagnon, j'ai l'oeil bon, Dieu merci.
- Je ne l'ai pas mauvais aussi,
Dit l'autre; et je l'ai vue avant vous, sur ma vie.
-Eh bien, vous l'avez vue; et moi, je l'ai sentie."
Pendant tout ce bel incident,
Perrin Dandin arrive: ils le prennent pour juge.
Perrin, fort gravement, ouvre l'huître et la gruge,
Nos deux messieurs le regardant.
Ce repas fait, il dit d'un ton de président:
"Tenez, la cour vous donne à chacun une écaille
Sans dépens, et qu'en paix chacun chez soi s'en aille."
Mettez ce qu'il en coûte à plaider aujourd'hui;
Comptez ce qu'il en reste à beaucoup de familles,
Vous verrez que Perrin tire l'argent à lui,
Et ne laisse aux plaideurs que le sac et les quilles.
La fable : Les deux Epis.
Deux épis se montraient naguère
L’un près de l’autre au champ jauni ;
L’un se tenait droit comme un I,
Sa charge étant assez légère ;
L’autre paraissait accablé,
Tant il portait de grains de blé.
Heureux les pauvres que nous sommes !
Les trésors du monde sont lourds,
Et trop de bien pèse toujours
Sur les épis et sur les hommes.
On pourrait tirer de ceci
Une autre leçon que voici
Et qui me paraît moins vulgaire ;
L’épi qui penche est le meilleur :
Il a son poids et sa valeur,
Tandis que l’autre n’en a guère.
Je crois qu’ici-bas plus on vaut,
Plus on est modeste et timide :
Et que pour porter le front haut
Il ne faut qu’une tête vide.
Commentaires et analyses par Chamfort . 1796.
V. 1. Un jour deux pèlerins, etc...
Cette fable est parfaite d'un bout à l'autre. La