L’exclusion existe-t-elle ? Cette question paraît bien provocatrice, alors que les signes visibles de la grande pauvreté envahissent les rues et les écrans de télévision. Médias et hommes politiques évoquent sans cesse l’« exclusion », surtout à l’approche de l’hiver, mais en quoi consiste-t-elle exactement ? Y a-t-il quelque chose de nouveau, par rapport à la pauvreté qui a toujours existé ? Cette notion d’exclusion peut-elle servir de concept scientifique rigoureux ?

L’exclusion est un sujet idéal pour une remise en cause du prêt-à-penser, des « prénotions » comme disent les sociologues. Tout d’abord, nous pouvons mettre le sujet en perspective, en faisant appel aux analyses historiques : un spécialiste d’histoire contemporaine nous y aidera. Ensuite, nous devons organiser le débat entre les différentes approches sociologiques : non seulement l’exclusion est une notion très récente (elle n’a été inventée que dans les années 70) mais elle apparaît encore plus récemment dans les travaux des sociologues (pas avant la fin des années 80) et le débat évolue rapidement. Plusieurs jeunes chercheurs remettent en cause la notion même d’exclusion, jugée stigmatisante et trop centrée sur le modèle dominant du travail stable et à temps plein, malgré toutes les précautions prises par les premiers sociologues ayant abordé cet objet particulier. Si les sans-travail ne sont pas si démunis ni passifs, s’ils prennent des initiatives et adoptent des stratégies, peut-on encore parler d’exclusion ? Enfin, nous devons prendre du recul, en nous interrogeant sur le type de société dans lequel nous vivons : l’intervention d’un philosophe sera alors