MH : Oui, je vais rebondir sur l’ambition que l’on va tenter d’aborder. Je voudrais juste signaler que l’on a peut-être toujours tendance à faire une dichotomie entre les écrivains qui parle de la société que l’on qualifie d’engagés et ceux que l’on qualifie d’écrivains « art pour l’art » qui ne semblent pas se préoccuper des mouvements sociaux. Je voudrais simplement vous mettre en garde contre cette différence un peu légère. On pourra se demander si tout écrivain n’est pas engagé dans la mesure ou il publie et qu’il porte à la connaissance de ses concitoyens un certains nombres de réflexions. On a tous en tête l’influence de Jean-Jacques Rousseau sur les évènements de la Révolution Française, ou le « Figaro a tué la noblesse » de Danton évoquant Beaumarchais. A contrario, on pourrait penser que la suprématie de l’esthétisme littéraire bloquerait l’engagement de l’écrivain. Il y a peut-être beaucoup plus d’engagement littéraire qu’on ne le présuppose. Certainement devrons-nous nous pencher sur ce que c’est que « s’engager » de façon littéraire. On vous laisse la parole pour débattre.
1 – Je crois qu’il y a une différence fondamentale entre l’artiste engagé et l’artiste qui vous livre une œuvre sans message particulier pour l’époque. Je vais prendre deux exemples, je j’estime beaucoup, pas pour leurs talents littéraires, mais pour leurs positions courageuses. Voltaire. Bon c’est un lieu commun. Voltaire me paraît être l’écrivain engagé type pour ses combats pour la liberté, la tolérance, et contre la transigeance des religions. Un autre exemple, c’est Zola. Je me suis intéressé à l’affaire Dreyfus et j’ai toujours été étonné, admiré, par la position de Zola, pas seulement de Zola, des Dreyfusards en général, parce que au fond l’opinion française accusait Dreyfus. Et donc le courage de Zola qui, déjà écrivain célèbre, se bat et publie un document, le « J’accuse » publié dans l’Aurore. Mais je crois qu’il y aussi des écrivains qui ont défendu des causes