L'avarice
L'avare et son fils
Par je ne sais quelle aventure,
Un avare, un beau jour, voulant se bien traiter,
Au marché courut acheter
Des pommes pour sa nourriture.
Dans son armoire il les porta,
Les compta, rangea, recompta,
Ferma les doubles tours de sa double serrure,
Et chaque jour les visita.
Ce malheureux, dans sa folie,
Les bonnes pommes ménageait ;
Mais lorsqu'il en trouvait quelqu'une de pourrie,
En soupirant il la mangeait.
Son fils, jeune écolier, faisant fort maigre chère,
Découvrit à la fin les pommes de son père.
Il attrape les clefs, et va dans ce réduit,
Suivi de deux amis d'excellent appétit.
Or vous pouvez juger le dégât qu'ils y firent,
Et combien de pommes périrent.
L'avare arrive en ce moment,
De douleur, d'effroi palpitant.
Mes pommes ! Criait-il : coquins, il faut les rendre,
Ou je vais tous vous faire pendre.
Mon père, dit le fils, calmez-vous, s'il vous plaît;
Nous sommes d'honnêtes personnes :
Et quel tort vous avons-nous fait ?
Nous n'avons mangé que les bonnes.
(18siècles)
http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/jean_pierre_claris_de_florian/l_avare_et_son_fils.html
L’avarice et l’envie
L’Avarice et l’Envie, à la marche incertaine,
Un jour s’en allait par la plaine
Chez un méchant ou chez un fou,
Chez vous ou chez quelqu’un d’autre, ou chez moi-même… En somme
Elles allaient je ne sais où,
Comme le héron du bonhomme.
Bien que sœurs, ces monstres hideux
Ne s’aiment pas ; aussi, tout le long de la route,
Sans se parler, ils cheminaient tous deux.
L’Avarice, le dos en voûte,
Examinait ce coffre hasardeux
Pour qui sans cesse elle redoute.
L’Envie aussi l’examinait sans doute.
Comptant tous les écus dans son coffre entassés,
Chemin faisant, dame Avarice
Se répétait pour son supplice :
« Je n’en ai point encore assez ! »
De son côté, l’Envie au regard louche,
Lorgnant cet or, objet de tous ses soins,
Disait, en se tordant la bouche :
« Elle en a trop, car