L'avare qui avait perdu son trésor
Diogène là-bas (1) est aussi riche qu'eux,
Et l'avare ici-haut (2) comme lui vit en gueux.
L'homme au trésor caché qu'Esope nous propose, Servira d'exemple à la chose. Ce malheureux attendait,
Pour jouir de son bien, une seconde vie ;
Ne possédait pas l'or, mais l'or le possédait.
Il avait dans la terre une somme enfouie, Son coeur avec, n'ayant autre déduit (3) Que d'y ruminer jour et nuit,
Et rendre sa chevance (4) à lui-même sacrée.
Qu'il allât ou qu'il vînt, qu'il bût ou qu'il mangeât,
On l'eût pris de bien court (5), à moins qu'il ne songeât
A l'endroit où gisait cette somme enterrée.
Il y fit tant de tours qu'un Fossoyeur (6) le vit,
Se douta du dépôt, l'enleva sans rien dire.
Notre avare, un beau jour ne trouva que le nid.
Voilà mon homme aux pleurs : il gémit, il soupire. Il se tourmente, il se déchire.
Un passant lui demande à quel sujet ses cris. C'est mon trésor que l'on m'a pris. Votre trésor ? où pris ? Tout joignant (7) cette pierre. Eh sommes-nous en temps de guerre
Pour l'apporter si loin ? N'eussiez-vous pas mieux fait
De le laisser chez vous en votre cabinet, Que de le changer de demeure ?
Vous auriez pu sans peine y puiser à toute heure. A toute heure, bons Dieux ! ne tient-il qu'à cela ? L'argent vient-il comme il s'en va ?
Je n'y touchais jamais. Dites-moi