L'amour des distinctions selon rousseau
Quelle est la passion la plus profondément ancrée dans l'âme humaine ? Pour Jean-Jacques Rousseau, c'est l'amour des distinctions, le désir de paraître, la volonté d'être remarqué, respecté et admiré. Or, même si l'on considère généralement l'intérêt, c'est-à-dire l'amour de l'argent, comme la passion dominante de l'homme, et même comme le pire de ses défauts, l'auteur va s'attacher à démontrer ici que c'est pour se permettre de briller en société que l'on poursuit avec acharnement la fortune. Ainsi, la richesse apparaîtra paradoxalement comme un moyen, et non plus comme une fin : on comprendra alors ce qui fonde réellement la pertinence de la maxime populaire selon laquelle l'argent ne fait pas le bonheur.
Développement
Comme nous le font remarquer les moralistes, on constate chez la plupart d'entre nous une tendance générale et naturelle à l'estime de soi : aveuglés par la subjectivité et poussés par un sentiment d'orgueil, nous jugeons bien souvent de ce que nous sommes de manière trop favorable ou trop partiale. Or, Rousseau nous invite dès les premières lignes de ce texte à tempérer ce jugement trop abrupt ou trop sévère : l'homme a souvent coutume de se dévaluer plus que de raison, c'est-à-dire de s'estimer « plus méprisable » qu'il ne l'est en réalité. Là réside la singularité, c'est-à-dire la particularité étrange de la condition humaine, relativement à l'image que l'individu se forge de lui-même : comme l'orgueil, le dégoût de soi est lui aussi susceptible de s'appuyer sur des motifs exagérés ou sur des raisons inexactes, car on peut se convaincre de son indignité pour de mauvaises raisons, ou s'avouer à soi-même des défauts qui n'en sont pas réellement.
Quel est donc le reproche essentiel que l'homme adresse à l'homme ? Quel est le vice, quelle est l'indignité majeure dont chacun reconnaîtrait aisément qu'elle constitue, sinon la sienne propre, du moins le défaut moral principal de l'espèce humaine ? On croit généralement que c'est