D Nouement La Cantatrice Chauve
Le théâtre de l’absurde, inspiré de l’horreur des événements du début du XXème siècle (totalitarismes, guerres), a pour but de s’inscrire dans les limites du langage pour transcrire un monde qui a profondément évolué. Créée en 1950, la pièce comique de Ionesco se veut être une tragédie du langage, le paradoxe y est si fort que l’auteur déclara même qu’en écrivant cette pièce il était « pris d’un véritable malaise, de vertige et de nausée ». Pièce sans fin, animée par des « fantoches » qui ont pour rôle d’exprimer la crise du langage qui désespère tant Ionesco, la pièce s’inspire des phrases absurdes utilisées par la méthode Assimil pour apprendre l’anglais : en effet, on trouve sur scène deux couples bourgeois d’outre-Manche, qui parlent de tout et de rien. Fausse logique, proverbes détournés et vide cérébral font le corps de la pièce, mais c’est son dénouement qui en est le paroxysme. Les couples Martin et Smith font ici rire aux éclats le spectateur. Comment cette scène exprime-t-elle le paradoxe de la pièce ? Il s’agit d’abord de voir le comique absurde et vide de la logorrhée que constitue ce dénouement, puis sa dimension réellement tragique vis-à-vis de l’humanité en général.
Cette dernière scène est marquée par une accumulation de paroles plus ou moins liées, dites de plus en plus vite : les personnages se répondent machinalement, tellement vite qu’ils ne pensent pas vraiment à ce qu’ils vont dire. Les trois premières répliques sont emblématiques de cette impression : de « lunettes » et de « cirage noir », on passe à l’ « argent » puis au fait de « tuer un lapin » et de « chanter dans le jardin ». La phonétique l’emporte donc sur la sémantique, d’où la répétition de certains mots par les personnages : les similarités de sons entre « kakatoès », « cacade » et « cascade », puis entre « cactus », « coccyx », « coccus », « cocardard » et « cochon » marquent un jeu sur les sons