C'est pas moi, je le jure ! - bruno hébert - lettre
À qui de droit,
Je, archiviste de l’hôpital Sainte-Justine faculté de psychiatrie, atteste une anomalie bureaucratique dans le dossier de Léon Doré. En effet, deux dossiers du même nom ont été trouvés dans nos archives. Nous allons donc vous faire part de leurs ressemblances et différences afin que vous puissiez déterminer ce qui concorde le plus avec vos fichiers, au gouvernement. Vous remarquerez que les deux rapports décrivent l’enfance de Léon Doré soit, ce qu’il a vécu, ce qu’il a imaginé, bref, tout ce qui englobe les où, quand, qui, quoi, comment et pourquoi de cette période d’enfance troublée, notamment, comme vous verrez, par la rupture conjugale de ses parents. Ils ont tous deux été rédigés par le docteur Jean, spécialiste de l’aile de cas lourds psychiatriques de l’hôpital Sainte-Justine.
Commençons par l’univers temporel dans lequel Léon a évolué. Dans le premier rapport, beaucoup plus détaillé, Léon nait en juillet 1958. Dans ce même rapport, il y a des passages de la vie de Léon qui s’étirent sur une période équivalente à une décennie. Force est de constater que les repères culturels évoqués dans celui-ci concordent avec l’époque mentionnée ; Léon a 10 ans en 1968. Effectivement, la télévision couleur, apparue dans les années 1960, le lait délivré par le laitier, la religion ubiquiste, les « stations wagons », la gomme Bazooka très tendance chez les jeunes, authentifient l’époque. Dans le deuxième rapport, débutant durant la période critique de la vie de Léon (1968), plusieurs éléments sont similaires. Par exemple, le camion du laitier est présent, la télévision de Léon est en noir et blanc (toutefois, la télévision couleur est inventée), M. Marinier fume la pipe, Mme Marinier possède un manteau de fourrure à la mode, ce qui confirme l’époque que sont les années soixante. Aussi, comme pour le premier rapport psychiatrique, la religion prépondérante, la station wagon, tous deux représentés en figure I