A t on à devenir soi
On a à devenir soi seulement si on ne l'est pas. Or, si on est soi, on n'a pas à le devenir. Il y a devenir s'il y a changement, si on peut être autre que ce que l'on est. Ainsi, l'injonction « deviens ce que tu es » semble ne pas avoir de sens car on n'a pas à devenir ce que l'on est déjà.
L'expression « devenir soi » renvoi à la question de l'identité, de l'être (ce qui fait de la réalité ce qu'elle est) et à celle du devenir, donc du changement. Les premiers philosophes grecs posaient déjà la question de l'identité et du changement, de l'être et du devenir.
Ainsi, comment ce qui est identique à soi peut-il devenir, comment l'être peut-il devenir ? S'il devient, il n'est plus identique à soi. Devenir soi c'est comme devenir ce que l'on est, c'est donc concilier l'être et le devenir. L'être ne peut devenir, il est identique à soi ; s'il devient, il n'est plus identique à soi. Si l'être était devenu, cela signifierais qu'il n'était pas avant de devenir, donc que l'être sort du non-être, or le non-être n'est pas ; il y a donc contradiction.
De plus, tout devenir ou changement doit être rapporté à un sujet du changement, à ce dont on dit qu'il change. Le changement n'est identifiable que rapporté à une réalité qui changer mais qui demeure malgré le changement. Mais, si l'être est devenu, qu'il sort du non-être, alors le non-être est devenu être. Cela suppose que le non-être est ce quelque chose qui change. Mais, c'est alors faire du non-être un être donc, autre chose que le non-être. L'idée de changement d'un être constitue un paradoxe souligné par les premiers philosophes grecs. Parménide (pré-socratique), dans son Poème, distingue l'être et le non-être. L'être est identique à soi, il est immuable ; la réalité est donc du côté de l'être. Platon, influencé par Parménide, expliquera que l'être est du côté des essences, des vérités éternelles, immuables. Le devenir renvoie au monde des apparences illusoires, un moindre être.