Zola
Catégorie : Bac Publié le 16 mars 2013 Écrit par Administrateur
Texte commenté : Germinal de Zola, Cinquième partie, chapitre V
La porte charretière, pourtant, fermait très mal, et elle avait de telles fentes, qu’on apercevait la route entre ses bois vermoulus. [...j Lucie et Jeanne, malgré leur tremblement, avaient mis un oeil à une fente, désireuses de ne rien perdre du spectacle.
Le roulement de tonnerre approchait, la terre fut ébranlée, et Jeanlin galopa le premier, soufflant dans sa corne.
— Prenez vos flacons, la sueur du peuple qui passe ! murmura Négrel, qui, malgré ses convictions républicaines, aimait à plaisanter la canaille avec les dames.
Mais son mot spirituel fut emporté dans l’ouragan des gestes et des cris. Les femmes avaient paru, près d’un millier de femmes, aux cheveux épars, dépeignés par la course, aux guenilles montrant la peau nue, des nudités de femelles lasses d’enfanter des meurt-de-faim Quelques-unes tenaient leur petit entre les bras, le soulevaient, l’agitaient, ainsi qu’un drapeau de deuil et de vengeance. D’ autres, plus jeunes, avec des gorges gonflées de guerrières, brandissaient des bâtons tandis que les vieilles, affreuses, hurlaient si fort, que les cordes de leurs cous décharnés semblaient se rompre. Et les hommes déboulèrent ensuite, deux mille furieux, des galibots, des haveurs, des raccommodeurs, une masse compacte qui roulait d’un seul bloc, serrée, confondue, au point qu’on ne distinguait ni les culottes déteintes, ni les tricots de laine en loques, effacés dans la même uniformité terreuse. Les yeux brûlaient, on voyait seulement les trous des bouches noires, chantant La Marseillaise, dont les strophes se perdaient en un mugissement confus, accompagné par le claquement des sabots sur la terre dure. Au-dessus des têtes, parmi le hérissement des baffes de fer, une hache passa, portée toute droite; et cette hache unique, qui était comme