yazmina reza
Vengeances, mesquineries, rancoeur: l'histoire d'amour tourne à la scène de ménage, d'autant que Marc, autoritaire et possessif, ne supporte pas que Serge puisse aimer quelque chose que lui-même vomit. Il se sent exclu, comme répudié. C'est là le vrai sujet de la pièce: l'amitié peut être passionnée, intransigeante et douloureuse. Yasmina Réza a ficelé, en très fine dialoguiste, cette comédie, en réalité très ambitieuse, malgré quelques vannes faciles sur la psychanalyse, les belles-mères et, surtout, l'art (attention au rire gras sur l'abstraction, le Carré blanc sur fond blanc de Malevitch est un chef-d'oeuvre qui a beaucoup marqué Martin Barré, très bon peintre disparu l'année dernière, dont les toiles ont inspiré ici Yasmina Reza). Et nos trois matous déchaînés honorent largement leur contrat. Vaneck, jaloux et féroce, Luchini, aux yeux ronds, blessé et dangereux, Arditi enfin, le meilleur au finish, tolérant, doux, trop tendre face aux deux durs. Ils sont égocentriques, pervers, incohérents, généreux, séduisants. Des hommes, quoi!
» Serge a acheté un tableau
" Mon ami Serge a acheté un tableau. C'est une toile d'environ un mètre soixante sur un mètre vingt, peinte en blanc. Le fond est blanc et si on cligne des yeux, on peut apercevoir de fins liserés blancs transversaux. Mon ami Serge est un ami depuis longtemps. C'est un garçon qui a bien réussi, il est médecin dermatologue et il aime l'art. Lundi, je suis allé voir le tableau que Serge avait acquis samedi mais qu'il convoitait depuis plusieurs mois. Un tableau blanc, avec des liserés blancs " commente Marc.
» Celui-ci vient donc voir l'oeuvre.
Il éclate de rire au nez de Serge devant ce qu'il appelle une " merde ". Ne comprenant pas comment Serge ait pu acheté cette toile 200 000 francs, Marc va trouver Yvan, leur ami commun, pour connaître son avis. Abasourdi dans un premier temps par le prix, Yvan se dit ensuite que si cela fait plaisir à