Wittgenstein
Turing : Il n’y aura de dommage véritable que s’il existe une application, auquel cas un pont s’effondrera ou quelque chose du genre. (Wittgenstein 1995, 217)
Chihara se porte encore une fois à la défense de Turing. Supposant qu’un pont se soit écroulé, il considère que trois types d’explication soient possibles : soit les ingénieurs ont utilisé les mauvaises données empiriques, soit ils ont fait des erreurs de calcul ou de mauvaises dérivations, soit ils ont utilisé un système logique qui est inconsistant, et qu’ils ont donc fait des inférences qui pourraient être invalides. Wittgenstein n’envisage pas cette troisième possibilité dans la discussion ; il ne voit à deux occasions que les deux premières (Wittgenstein 1995, 218, 225). Encore une fois, il semble que Wittgenstein ne soit pas parvenu à formuler sur le champ une réponse appropriée. Je pense pour ma part, que Michael Wrigley avait raison de renvoyer la balle dans le camp de Turing et de Chihara : les ponts construits à l’aide de mathématiques que l’on peut capturer dans des systèmes logiques dont on a, comme pour l’arithmétique de Peano, une preuve, certes relative, de consistance, tombent eux aussi. Même si on accorde pour les besoins de la conversation que les ponts construits à l’aide d’un système de logique inconsistant s’écroulent le plus souvent, l’argument de Turing n’est tout simplement pas clair (Wrigley 1986, 351-352). Pourquoi seule la troisième possibilité serait en cause dans le cas de ponts construits à l’aide d’un système inconsistant ? Je soupçonne que la réponse à cette question montrera en fait que l’argument est circulaire.
Qu’en est-il de cette question en dehors du domaine de l’application des mathématiques ? Ici, Georg Kreisel