Si j'étais la feuille que rouleL'aile tournoyante du vent,Qui flotte sur l'eau qui s'écoule,Et qu'on suit de l'oeil en rêvant ;Je me livrerais, fraîche encore,De la branche me détachant,Au zéphyr qui souffle à l'aurore,Au ruisseau qui vient du couchant.Plus loin que le fleuve, qui gronde,Plus loin que les vastes forêts,Plus loin que la gorge profonde,Je fuirais, je courrais, j'irais !Plus loin que l'antre de la louve,Plus loin que le bois des ramiers,Plus loin que la plaine où l'on trouveUne fontaine et trois palmiers ;Par delà ces rocs qui répandentL'orage en torrent dans les blés,Par delà ce lac morne, où pendentTant de buissons échevelés ;Plus loin que les terres aridesDu chef maure au large ataghan,Dont le front pâle a plus de ridesQue la mer un jour d'ouragan.Je franchirais comme la flècheL'étang d'Arta, mouvant miroir,Et le mont dont la cime empêcheCorinthe et Mykos de se voir.Comme par un charme attirée,Je m'arrêterais au matinSur Mykos, la ville carrée,La ville aux coupoles d'étain.J'irais chez la fille du prêtre,Chez la blanche fille à l'oeil noir,Qui le jour chante à sa fenêtre,Et joue à sa porte le soir.Enfin, pauvre feuille envolée,Je viendrais, au gré de mes voeux,Me poser sur son front, mêléeAux boucles de ses blonds cheveux ;Comme une perruche au pied lesteDans le blé jaune, ou bien encorComme, dans un jardin céleste,Un fruit vert sur un arbre d'or.Et là, sur sa tête qui penche,Je serais, fût-ce peu d'instants,Plus fière que l'aigrette blancheAu front étoilé des