Victor hugo
Exceptons Paris pourtant. Dans une mesure relative, et nonobs-tant le souvenir que nous venons de rappeler, l'exception est juste. Tandis que dans toute autre grande ville un enfant vagabond est un homme perdu, tandis que, presque partout, l'enfant livré à lui-même est en quelque sorte dévoué et abandonné à une sorte d'immersion fatale dans les vices publics qui dévore en lui l'honnêteté et la conscience, le gamin de Paris, insistons-y, si fruste, et si entamé à la surface, est intérieurement à peu près intact. Chose magnifique à constater et qui éclate dans la splendide probité de nos révolutions populaires, une certaine incorruptibilité résulte de l'idée qui est dans l'air de Paris comme du sel qui est dans l'eau de l'océan. Respirer Paris, cela conserve l'âme. [...]
Soit dit en passant, ces abandons d'enfants n'étaient point décou-ragés par l'ancienne monarchie. Un peu d'Egypte et de Bohème dans les basses régions accommodait les hautes sphères, et faisait l'affaire des puissants. La haine de l'enseignement des enfants du peuple était un dogme. À quoi bon les " demi-lumières " ? Tel était le mot d'ordre. Or l'enfant errant est le corollaire de l'enfant ignorant.
D'ailleurs, la monarchie avait quelquefois besoin d'enfants, et alors elle écumait la rue.
Sous Louis XIV, pour ne pas remonter plus