Victor hugo (1802-1885), « j'aime l'araignée », les contemplations, livre iii, « les luttes et les rêves », xxvii (1856).
Et que rien n'exauce et que tout châtie Leur morne souhait ; Parce qu'elles sont maudites, chétives, Noirs êtres rampants ;
Parce qu'elles sont les tristes captives De leur guet-apens ; Parce qu'elles sont prises dans leur œuvre ; O sort ! fatals nœuds !
Parce que l'ortie est une couleuvre, L'araignée un gueux ; Parce qu'elles ont l'ombre des abîmes, Parce qu'on les fuit,
Parce qu'elles sont toutes deux victimes De la sombre nuit. Passants, faites grâce à la plante obscure, Au pauvre animal.
Plaignez la laideur, plaignez la piqûre, Oh ! plaignez le mal ! Il n'est rien qui n'ait sa mélancolie ; Tout veut un baiser.
Dans leur fauve horreur, pour peu qu'on oublie De les écraser, Pour peu qu'on leur jette un œil moins superbe1, Tout bas, loin du jour,
La mauvaise bête et la mauvaise herbe Murmurent : Amour ! 1Ici : méprisant. * * *
[Introduction ] Il s’agit d’un poème de Victor Hugo, célèbre poète du XIXesiècle, chef de file du mouvement romantique. Ce texte, « J’aime l’araignée », composé de sept quatrains alternant décasyllabes et pentasyllabes en des rimes croisées, est extrait d’un recueil, Les Contemplations, publié durant l’exil de l’écrivain en 1856, et plus précisément du livre III, « Les luttes et les rêves ». Il semble en effet que, à travers cette œuvre, l’auteur tente de lutter contre les préjugés des hommes envers les êtres rejetés que sont les araignées et les orties.C’est pourquoi il convient de se demander comment Victor Hugo parvient, en exprimant une compassion paradoxale à l’égard de ces créatures, à inviter le lecteur à adopter une vision nouvelle de l’araignée et de l’ortie. Nous répondrons à cette question tout d’abord en étudiant l’expression de l’amour et de la compassion paradoxales du poète pour ces deux êtres ; puis la manière avec laquelle il tente de convaincre le