Version Don Quichotte agrégation
—En effet, il faut bien qu'il me reste un peu de la sagesse de votre grâce —répondit Sancho—. Les terres qui par nature sont stériles et sèches, en les fumant et en les cultivant, finissent par porter des fruits. Je veux dire que la conversation de votre grâce a été le fumier qui est tombé sur la terre stérile de mon esprit inculte; et sa culture, le temps depuis que je vous sers et je vous fréquente. Grâce à cela j'espère porter des fruits qui soient une bénédiction, de façon qu'ils ne soient pas indignes ni s'écartent des chemins de la bonne éducation que votre grâce a tracé dans mon jugement desséché.
Don Quichotte rit des expressions maniérées de Sancho, et ce qu'il disait lui sembla vrai, car de temps en temps il lui parlait de façon surprenante, parce que presque toutes les fois que Sancho voulait s'exprimer comme un courtisan avec des propos érudits, son raisonnement finissait par se précipiter du haut de sa simplicité au plus profond de son ignorance. C'est en apportant des proverbes où il montrait le plus d’élégance et de bonne mémoire, même s'ils ne venaient pas à propos du sujet dont on parlait, comme on a pu voir et apprécier dans le discours de cette histoire.
C'est avec cette conversation et d'autres qu'ils ont passé une grande partie de la nuit, et Sancho sentit l'envie de fermer les volets de ses yeux, comme il disait quand il voulait dormir, et alors en dessellant le grison, il lui donnât de l'herbe en abondance. Il n'enleva pas la selle à Rossinante, puis que c'était par ordre exprès de son maître qu'il ne devait pas desseller Rossinante pendant le temps qu'ils marcheraient en campagne ou qu'ils ne dormiraient sous un toit : c'était ainsi l’antique usage respecté par les chevaliers errants, on pouvait retirer la bride et la pendre à l’arçon de la selle; mais retirer la selle au cheval, jamais ! Et ainsi fit Sancho, et lui donnât la même liberté