Une amitié dans les fables de La Fontaine
L’homme moral, des vertus et des vices en question du XVIe au XVIIIe
Séquence 3, séance 5 : Jean de La Fontaine, Fables, 1678 « Les deux Amis »
Lecture analytique
I. Une amitié sincère et réciproque
1. On peut relever les différentes désignations des personnages : « Deux vrais Amis » (v.1), « L’un…l’autre » (v.2), « chacun » (v.5), « Un de nos deux Amis » (v.7) ; « Il » (v.8), « L’Ami couché » / « il » (v.10), « l’autre » (v.11), « l’ami » (v.19), « eux » (v.24). Jamais nommés, les personnages, peu individualisés, n’entravent pas la dimension généralisante du récit, d’autant que la majuscule au nom « Amis » semble tirer les personnages vers une simple incarnation d’un idéal de l’amitié, selon le procédé de l’allégorie. On peut cependant deviner leur condition noble grâce au lexique : « valets » (v.8) « ce palais » (v.9), « mon épée » (v.16) et « une esclave » (v.17) en sont les signes évidents. En outre, le verbe « possédait » (v.2) tend à suggérer une certaine richesse, tout comme « sa bourse » (v.10) et « votre argent » (v.14). La noblesse sociale peut, dans l’idéologie du XVIIe siècle, refléter une noblesse de cœur, une délicatesse des sentiments et une morale vertueuse, comme c’est le cas ici.
Le vers 2 est construit sur un chiasme qui met en valeur l’absolue réciprocité de l’amitié des deux personnages. « l’un/ possédait // appartînt /à l’autre »
2. Les épithètes liées au nom « ami » soulignent par deux fois la sincérité de la relation « vraie » (v.1), « véritable » (v.26). Le vocabulaire psychologique et affectif met en évidence la délicatesse du sentiment amical : « zèle » (v.20), « un peu triste » (v.21), « craint » (v.22), « aimait » (v.24) « douce chose » (v.26), « cœur » (v.27), la pudeur » (v.28), « peur » (v.30), « il aime » (v.31). On soulignera le raffinement des nuances émotionnelles évoquées (crainte/peur, zèle/ affection) et le modalisateur « un peu »