Une migration sans fin
TAHA MUHAMMAD ALI, UNE MIGRATION SANS FIN, Édition bilingue trad. de l’arabe (Palestine) par Antoine Jockey Galaade, coll. « Le siècle des poètes », 220 p., 21 euros
Parfois Je désire défier L’homme qui a Tué mon père Détruit notre maison Et qui m’a fait fuir Dans le pays étroit Des hommes. S’il me tuait Je me reposerais Si je l’achevais Je serais vengé !
Il est rare qu’un poète totalement inconnu – surtout s’il est traduit d’une langue très éloignée de la nôtre (l’arabe), surtout s’il nous parle d’un pays (la Palestine) à l’image brouillée par des décennies de violence… –, il est rare qu’un poète totalement inconnu s’impose d’un coup au niveau des plus grands. C’est le cas de Taha Muhammad Ali qu’un choix de moins de quarante textes (de 1973 à 2006), de longueurs différentes (de 1 à 12 pages), suffit à ranger aux côtés des meilleurs. À condition toutefois que le reste de son œuvre soit de la même teneur.
Mais
Si je me rendais compte
Durant le duel
Que mon adversaire
A une mère
Qui l’attend
Ou un père
Qui pose sa main droite
Sur son cœur
Chaque fois que son fils
Tarde à rentrer à la maison
Ne seraitce qu’un quart d’heure
Alors je ne le tuerais pas
Si j’étais le vainqueur.
Né en 1931, mort en 2011, Taha Muhammad Ali, chassé de son village en 1948 par l’armée israélienne, a passé toute son existence dans une rue d’Israël, au fond d’une boutique où il a été « un musulman qui vend des bibelots chrétiens à des juifs ». Autodidacte, immergé dans la vie des simples gens, rompu à l’art du conte, il s’est patiemment forgé une poésie dont la simplicité complexe, nourrie par un grand sens du détail, a plus à voir avec la nonviolence d’un Gandhi ou d’un Martin Luther King qu’avec la pensée révolutionnaire. Il n’est pourtant pas sûr que finalement elle soit moins efficace, car la bienveillance et l’humour qu’on y trouve ne sont jamais une démission.
Je ne le tuerais pas non plus Si je voyais Qu’il a