Une femme a berlin
« Chronique commencée le jour où Berlin vit pour la première fois la guerre dans les yeux », comme l’indique l’intertitre placé au début du livre, Une femme à Berlin , Journal 20 avril – 22 juin 1945 (1) est un témoignage d’une force rare et d’une franchise parfois dérangeante qui expliquent le destin aventureux de ce texte anonyme dont l’éditeur Hans Magnus Enzensberger retrace les péripéties dans sa présentation .
La diariste, dont on devine à travers quelques allusions qu’elle a beaucoup voyagé et vécu jusqu’alors – elle a la trentaine – dans les milieux du journalisme et de l’édition, décrit d’une plume alerte mais sans effets, avec une sorte d’objectivité froide, sans apitoiement, ni pathos, un quotidien fait de privations : l’ électricité, le gaz, l’eau, l’information sont rares ; la quête de nourriture est permanente et on ne partage guère ; le refuge dans la « cave-caverne » est incessant pour fuir tirs d’artillerie et bombardements. On vit ou survit avec la peur, la mort, « une dégradation partout menaçante ».
Puis, précisément, cette menace qui avance avec la progression des troupes russes et la déroute de l’armée allemande, dans un monde qui vit « la défaite des hommes en tant que sexe » : les viols de masse, le tribut du vainqueur. L’auteur le vit et l’écrit : « …l’ordure que je suis devenue…crache le sale morceau »
Elle s’en accommoderait même, car il s’agit de survivre : « l’obscure et surprenante aventure de la vie ne cesse de me stimuler »
On songe bien sûr à cet autre grand texte, un roman cette fois, de Hans Fallada, et pas seulement en raison de la ressemblance du titre français : Seul dans Berlin , piètre traduction de « Jeder stirbt für sich allein » (2) et aussi à ce roman policier très remarqué, œuvre de deux historiens, Richard Birkefeld et Göran Hachmeister : « Wer übrig bleibt,hat recht » ( 3) , dont l’excellente traduction de Georges Sturm reste malheureusement