Une dialectique sarrautienne
Dans son étude, Le Dit et le non-dit dans L’Usage de la parole de Nathalie Sarraute, Sarah Charieyras propose que l’originalité des dix petits textes que recueille cet ouvrage repose sur deux plans thématiques : le dit et le non-dit. Cette hypothèse entraîne plusieurs questions chez elle. Quelle est la source du non-dit ? Sarraute choisit-elle délibérément de ne pas tout dire ? Est-ce que le non-dit reflète le caractère indicible des tropismes, le moteur d’écriture sarrautien ?
L’opposition du dit et du non-dit a toujours été à la base du projet d’écriture sarrautien. Comme l’affirme Sarraute, les tropismes sont « des mouvements indéfinissables (…) qu’il est possible de définir »1. Si cette approche paradoxale marquait les débuts de la carrière de Sarraute, comment peut-elle rester originale en 1980, au sein de L’Usage de la parole, après la publication de la majeure partie de l’œuvre sarrautienne ? Le titre de l’ouvrage en question nous offre une réponse : c’est dans l’usage de la parole, c’est-à-dire sur la forme, plutôt que sur le fond, que s’attarde Sarraute et, par extension, Charieyras. Cela dit, l’étude de Charieyras examine les traces textuelles du dit et du non-dit dans le but de « prouver la présence des instances énonciatives du livre, tout d’abord, en en étudiant le nombre, l’identité et la nature ; évaluer la part négative du dit — le non-dit — en précisant les formes qu’elle revêt et ‘les figures’ qui y sont en proie ; enfin, préciser