Et Beigbeder inventa le livre-gueule de bois... 'Un roman français' commence lors de l'arrestation de l'écrivain après un rail de cocaïne malencontreusement sniffé sur le capot d'une voiture. De son arrivée en cellule à sa libération, deux jours plus tard, on suit le trublion du fond de sa geôle, pestant contre ses conditions de détention, menacé par ses camarades de cellule. De la découverte de ce nouvel horizon littéraire, pour un auteur plus habitué aux boîtes de nuit et aux appartements Haussmanniens, découle une certaine vanité narrative : chaque micro-élément de ces deux nuits de cabane déclenche une nouvelle plongée dans ses souvenirs. Ces flash-back artificiels donnent au livre une construction bancale, tandis que les éclats d'impudeur ou de name-dropping déguisés montrent que le mondain n'a pas su se libérer des tics qui rendent sa bibliographie si contestable. Mais l'évidence des qualités demeure : Beigbeder nargue par la faconde de certaines de ses formules et des fulgurances disséminées dans le roman. Sa pensée s'est éclaircie, également, et les divagations de piliers de comptoir ont cédé leur place à une analyse plus sage de son pedigree. Car 'Un roman français' est un livre sur la famille de l'écrivain, dont l'histoire, sur trois générations, renvoie explicitement à celle plus générale des élites françaises au XXe siècle, que l'on peut résumer en trois actes : le catholicisme d'abord, la société du confort post-1945 ensuite, le capitalisme mondialisé enfin. Beigbeder remplit son pari : transcender son ascendance pour la livrer sur un mode universel, et offrir enfin l'analyse sociétale à laquelle ses livres précédents aspiraient malgré la