Un coeur simple flaubert
Pour cent francs par an, elle faisait la cuisine et le ménage, cousait, lavait, repassait, savait brider un cheval, engraisser les volailles, battre le beurre, et resta fidèle à sa maîtresse qui n'était pas cependant une personne agréable.
Elle avait épousé un beau garçon sans fortune, mort au commencement de 1809, en lui laissant deux enfants très jeunes avec une quantité de dettes. Alors, elle vendit ses immeubles, sauf la ferme de Toucques et la ferme de Geffosses dont les rentes montaient à cinq mille francs tout au plus, et elle quitta sa maison de Saint-Melaine pour en habiter une autre moins dispendieuse ayant appartenu à ses ancêtres et placée derrière les Halles.
Elle se levait dès l'aube pour ne pas manquer la messe, et travaillait jusqu'au soir sans interruption; puis le dîner étant fini, la vaisselle en ordre et la porte bien close, elle enfouissait la bûche sous les cendres et s'endormait devant l'âtre, son rosaire à la main. Personne dans les marchandages, ne montrait plus d'entêtement. Quant à la propreté, le poli de ses casseroles faisait le désespoir des autres servantes. Econome, elle mangeait avec lenteur, et recueillait du doigt sur la table les miettes de son pain, un pain de douze livres, cuit exprès pour elle, et qui durait vingt jours.
Son visage était maigre et sa voix aiguë. A vingt-cinq ans, on lui en donnait quarante; dès la cinquantaine, elle ne marqua plus aucun âge; - et, toujours silencieuse, la taille droite et les gestes mesurés, semblait une femme en bois, fonctionnant d'une manière